Droit des étrangers : le Sénat vote à son tour le texte, mais en le durcissant
176 voix pour et 155 voix contre : aujourd’hui, le Sénat a sans surprise adopté sa version du projet gouvernemental sur le droit des étrangers.
- Du « droit des étrangers en France » à la maîtrise de l’immigration
Ce texte, est une version entièrement durcie du texte porté par Bernard Cazeneuve, le ministre de l’Intérieur. Il faut dire que la majorité sénatoriale de droite avait, dés le début, donné le ton, en modifiant notamment en commission l’intitulé même du texte. Son objet est ainsi passé du « droit des étrangers en France » à la maîtrise de l’immigration. Un glissement dicté par un seul mot d’ordre, le « durcissement », qui explique à lui seul le sens de l’adoption de la plupart des mesures : durcissement des conditions d’obtention d’un titre de séjour pluriannuel, durcissement de l’AME - l’aide médicale de l’État- qui permet aux étrangers de se soigner sur notre territoire, durcissement toujours des conditions du regroupement familial avec l’allongement de 18 à 24 mois de la condition de résidence en France, durcissement encore de l’assignation à résidence par l’allongement de la durée d’interdiction de territoire de 3 à 5 ans…(Voir Droits des étrangers : le Sénat en ordre de bataille pour durcir le texte).
- Un dialogue de sourd entre l’exécutif et l’opposition
Ce durcissement s’est traduit, en séance, par un dialogue de sourd entre l’exécutif et l’opposition. Il faut dire que pour le gouvernement, le texte devait seulement transposer les directives européennes accordant plus de garanties aux étrangers entrant en France, légalement ou non. Mais cette vision qu’elle estime en « complet décalage » avec la réalité des enjeux migratoires, la droite sénatoriale n’en voulait pas. Le fait d’« aborder la question uniquement sous l'angle de l'accueil des étrangers » a été « une erreur politique majeure » selon Philippe Bas, le président (LR) de la Commission des lois au Sénat. Une erreur que la droite s’est attelée à corriger point par point, en raccourcissant par exemple les délais de recours des « expulsables » ou en autorisant la police à venir les chercher jusque dans les lieux d'assignation à résidence, ce qui est interdit actuellement. Une mission parfois facilitée par le clivage au sein même du PS.
Cette opposition droite / gauche s’est en effet doublé de désaccords au sein même du PS. Ce fut par exemple le cas lors du rejet d’un amendement défendu par le sénateur PS, Jean-Yves Leconte, et qui visait, au nom de la lutte contre les filières et l’immigration clandestine, à créer une nouvelle infraction en cas d’usurpation d’un document d’identité. Ce rejet, c’est « une négation pure et simple du droit d’asile » a martelé Jean-Yves Leconte.
Clivage droite / gauche, mais aussi au sein même du PS : la tâche de Bernard Cazeneuve et de sa remplaçante, Clotilde Valter, la secrétaire d'Etat chargée de la Réforme de l'État et de la simplification, n’a pas été simple lors de ce débat sur le projet de loi relatif au droit des étrangers. Mais ils pourront un peu respirer lors de la nouvelle lecture du texte à l’Assemblée nationale où la majorité de gauche les soutient. Après toutefois un détour en commission mixte paritaire qui devrait logiquement échouer à trouver un texte commun aux deux chambres.
Source : Public Sénat